Le jour où tu as pris ta place

Publié le par Maman Libre

Juste avant les fêtes, je suis tombée enceinte.

 

Je me rappelle que je l'ai su environ à la mi janvier. En fait je le savais un peu avant, mes cycles étant réguliers depuis mon retour de couches, mais j'ai attendu la confirmation d'un test.

 

Je croyais que ce test me reviendrait négatif, comme pour mon fils les trois tests étaient négatifs et qu'il me faudrait faire une prise de sang. Mais non. Toilettes, pipi sur le bâton, début d'attente (une à trois minutes normalement). Même pas dix secondes d'attente et le résultat était là, net et sans appel : DEUX TRAITS, ENCEINTE.

 

Je vais être à nouveau maman, nous allons être à nouveau parents, notre fils sera le grand frère.

 

Je suis contente, mais sans plus. Pourtant c'était voulu. C'est voulu, désiré, attendu.

 

Mais... Rien. Je ne ressens qu'un vague contentement.

 

Du coup je ne presse pas le pas comme toute future mère pour les premiers examens. Je traîne la patte. En fait, je m'en fous tellement, je n'ai pas envie de batailler avec cette grosssesse.

 

Je finis par m'y mettre et obtenir un premier rdv avec écho directement. Si mes calculs sont bons je suis quasiment à trois mois déjà. Mais je me fous d'être à la bourre pour la caf, la sécu, les examens. Je m'en fous.

 

Je vais à ce rdv, et il en ressort que je suis à onze semaines de grossesse, treize d'aménorrhée. Je sens déjà parfois remuer le bébé, le foetus. Tout va bien pour lui et quant à moi j'ai tellement vomi pendant ce premier trimestre que j'ai perdu du poids. Mais ça va tout de même bien.

 

De semaine en semaine, je ne ressens plus aucun trouble de grossesse. Pas de tiraillements, pas de nausées, presque pas de poids pris, quinze jours après ce rdv, je rentre encore dans mon 36, fermé, même assise. Pour ceux qui ne le savent pas, je ne suis pas enceinte, ça se voit. Ou plutôt ne se voit pas.

 

Je m'en fous toujours. Quelques jours après, c'est tout juste si j'enfile un jogging un tout petit peu plus large que mon slim. Je sens parfois le foetus bouger, mais vraiment s'il s'agite fort.  Entre temps, ce petit être est aussi absent à moi que je suis indifférente à lui. Je m'en fous, je m'en fous tellement.

 

Seize semaines de grossesse et je dors encore bien à plat ventre, ma seule gêne provient de ma poitrine qui a commencé sa préparation à l'allaitement, je suis toujours en jogging, sans plus, mon pantalon de grossesse, si fièrement arboré dès le début du troisième mois pour mon fils, je ne le remplis pas et suis mal à l'aise dedans.

 

Rdv avec une sage-femme ce lundi 16 avril, pour une première séance d'haptonomie.

 

Dans ma tête il est très clair que c'est surtout un moyen pour moi de faire en sorte que ce bébé se place bien et apprenne à descendre comme il faudra durant l'accouchement. Je vais à cette séance comme on emmène un chien au centre de dressage. C'est clair, ce bébé m'obéira, je lui interdis de m'imposer une nouvelle césarienne.

 

Et puis, nous arrivons, en retard, car un peu de difficulté à trouver le cabinet de la sf.

 

Elle nous accueille, sourire et allure détendue, que chéri qualifiera d'allure de cartomancienne après cette rencontre.

 

Dès l'entrée le ton est donné, tutoiement et convivialité, sa petite chienne nous accueille puis va se poser sous son bureau pour le reste de la séance. Sage et obéissante. Je me dis un instant que si elle sait si bien faire obéir sa chienne sans ordre ni geste, mon bébé obéira aussi.

 

L'entretien débute avec des questions sur mon premier accouchement, mon fils, notre vie personnelle, le boulot. Toutes questions qui peuvent sembler anodines, mais qui sont un moyen d'une part pour elle de nous mettre en confiance, car elle se confie également un peu, et d'autre part pour nous de lui ouvrir nos personnalités, nos doutes, nos envies. Je lui exprime l'absentéisme de ce bébé en comparaison à la vivacité extrême du grand frère au même stade. Elle est vraiment gentille.

 

Puis débute la séance à proprement parler. Elle prend un premier contact tactile et intentionnel avec moi, paumes contre paumes, légères, douces, et l'énergie circule faisant étape à chaque articulation : poignets, coudes, épaules. Pour moi ce n'est pas "trop compliqué", dans ma tête ou mon corps, car c'est un exercice connu dans mes cours de théâtre au lycée. Puis elle réitère avec mon homme, le contact passe bien.

 

Puis entre mon homme et moi... Un peu plus long, j'hésite entre fou rire et concentration, je suis un peu tendue, j'avoue. Mais on finit par y arriver.

 

Enfin, je m'allonge, elle d'un côté, lui de l'autre. Elle pose ses mains sur mon ventre, doucement, légèrement autour du nombril. Elle appelle intentionnellement le bébé (c'est l'intention qu'elle met dans son toucher, pas des mots), au début je ne sens rien, pourtant pour elle cet enfant remue énormément. Puis je sens. Elle l'appelle doucement et le berce à travers mon ventre, il vient se caler au creux de sa main, doucement, mais nettement. Je suis surprise et bluffée, car ce  ne sont pas les habituels coups, mais un mouvement très doux, très doux, et pour la première fois, je le sens, vraiment.

 

Puis c'est à mon tour, je pose mes mains, elle pose les siennes sur les miennes. Et là, c'est tellement flagrant, tellement clair entre cet enfant et moi. Mon enfant. Qui se blottit dans ma main, me répond, me parle. Enfin le tour du papa avec elle, même résultat. Puis le papa avec moi, encore plus fort.

 

Enfin nous disons au revoir pour la journée à notre enfant. Et nous discutons encore un peu avec elle. Une femme vraiment adorable, une sage-femme exceptionnelle.

 

Dès les minutes suivant cette séance, notre enfant n'a plus cessé de bouger en moi, sauf à de rares moments. Mon ventre a gonflé significativement pour ne plus dégonfler.

 

Il a enfin senti qu'il était à sa place. Son papa a enfin compris l'importance de sa place à lui dans cette grossesse. Je connais et reconnais enfin mon enfant. Mon giron est enfin le nid accueillant qu'il doit être.

 

Enfin, je suis impatiente de la suite des examens, des nouvelles séances d'hapto, surtout. Et de tenir mon enfant contre mon sein.

 

Je ne m'en fous plus, plus du tout. Je suis heureuse, impatiente, fébrile, inquiète, dans l'attente. J'ai envie de parler, de communiquer avec le bébé.

 

 

 

 

(Je précise qu'étant de nature dépressive depuis toujours, ma dépression, la vraie, a fait un retour tonitruant, violent et grave ces derniers mois, me poussant à des pensées, des actes, des pulsions graves. La pire crise qui soit, les hormones n'aidant pas, j'ai du mal à en sortir... Je crois que le bébé le ressentait, et que je voulais absolument nier cette grossesse, d'où notre incommunication mutuelle, et le manque d'évolution.)

Publié dans Maternité

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